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Couverture livre 3D

L'Abécédaire (très subjectif) du féminisme

L’Abécédaire (très subjectif) du féminisme

Préface

Pourquoi un abécédaire ?
Parce que, parfois, on ne sait pas par où commencer. Le féminisme, on en parle beaucoup. Il fait débat, il agace, il inspire, il effraie. Il est partout, et pourtant, mal compris. J’en ai eu marre d’entendre toujours les mêmes clichés – que c’est un truc de colère, de haine, ou de cheveux bleus. J’avais envie de poser des mots. Des vrais. Des simples. Des puissants.
Alors j’ai choisi l’abécédaire. Parce que c’est un format qui fait semblant d’être scolaire, mais qui permet toutes les libertés. Un mot par lettre, un thème à la fois. Pas de hiérarchie, pas de chapitre, pas de thèse à soutenir. Juste des idées, des réflexions, des coups de gueule, des clins d’œil, parfois des émotions brutes.
J’ai écrit cet abécédaire comme on écrirait à une amie, ou à un oncle relou. Pour expliquer sans justifier. Pour semer des graines. Pour rire un peu, râler beaucoup, et dire ce que j’aurais aimé lire plus tôt.
Ce n’est ni un manuel ni un manifeste. C’est un abécédaire très subjectif. Mais sincère.
Et surtout, c’est un point de départ.
Bienvenue dedans !


A
Comme

Autonomie
nom féminin

1. Situation d’une collectivité, d’un organisme public dotés de pouvoirs et d’institutions leur permettant de gérer les affaires qui leur sont propres sans interférence du pouvoir central.
2. Capacité de quelqu’un à être autonome, à ne pas être dépendant d’autrui ; caractère de quelque chose qui fonctionne ou évolue indépendamment d’autre chose
Il y a des mots qui claquent comme des portes qu’on referme. Autonomie, c’est ça. C’est le moment où on reprend les clés de sa vie, où on arrête de demander d’attendre, de plaire, de se faire petite.
C’est pouvoir dire non à une relation où on étouffe, refuser une carrière qu’on n’a pas choisie, décider de son corps, de son temps, de son argent. C’est aussi choisir de faire une famille autrement, ou de ne pas en faire du tout. De partir. De rester. De recommencer. D’oser.
Pendant longtemps, on a dit aux femmes qu’elles étaient faites pour être dépendantes : du mari, du père, de l’État, de la norme. Et même aujourd’hui, dans un monde qui se dit « libéré », l’autonomie reste un luxe pour beaucoup. Quand on est payée 15 % de moins, quand on bosse à temps partiel par défaut, quand on élève seule des enfants, quand on n’a pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans autorisation (jusqu’en 1965 en France), l’autonomie ne tombe pas du ciel. Elle se gagne. Souvent, elle se réclame.
Mais ce n’est pas qu’une affaire individuelle. Il y a aussi une autonomie collective à cultiver : créer nos réseaux, nos espaces, nos outils, nos savoirs. S’émanciper ensemble. Sans passer par leurs filtres, leurs règles, leurs regards.
L’autonomie, c’est ce qui transforme le possible en permission qu’on ne demande plus. 


B
Comme

Boys Club
nom masculin, anglicisme

Terme désignant des réseaux informels composés majoritairement d’hommes occupant des positions de pouvoir, qui favorisent mutuellement leur ascension professionnelle, souvent au détriment des femmes et des minorités.

Note : Ce terme n’est pas présent dans le dictionnaire Larousse traditionnel.
Ils ne portent pas de badge, ne tiennent pas de réunions secrètes dans des caves enfumées, et pourtant, on les repère à des kilomètres. Le Boys Club, c’est ce réseau masculin qui ne dit pas son nom, mais qui verrouille l’accès au pouvoir depuis des siècles.
Ils se reconnaissent entre eux à la pause café, dans les clubs de sport, les conseils d’administration ou les dîners où « il n’y a que des gens bien ». Ils s’échangent des opportunités, se recommandent, se félicitent, se protègent. Ça ne crie pas « interdit aux femmes » sur la porte, mais dans les faits, on n’y entre pas si on ne maîtrise pas les bons codes. Et spoiler : ces codes sont presque toujours masculins, blancs, hétéros, cis et bien installés.
Le résultat, c’est que les décisions importantes ne se prennent pas à la table des réunions paritaires, mais à celle du resto où tu n’as pas été invitée. Ce sont les coulisses qui décident, pas le PowerPoint.
Et pendant ce temps-là, les femmes se battent pour « prouver » qu’elles sont légitimes, qu’elles méritent leur place, qu’elles n’ont pas été « juste là pour les quotas ». Parce qu’elles ne font pas partie du cercle. Et parce que, souvent, elles ne peuvent pas – ou ne veulent pas – en reproduire les règles.
Casser les Boys Clubs, ce n’est pas vouloir prendre leur place pour faire pareil.
C’est vouloir changer la salle de réunion. Et qui y entre. Et comment. Et pourquoi. 


C
Comme

Charge mentale
nom féminin

Expression désignant le poids psychologique résultant de la gestion simultanée des obligations professionnelles, domestiques et familiales, souvent assumée majoritairement par les femmes.

Note : Ce terme n’est pas présent dans le dictionnaire Larousse traditionnel.

La charge mentale, c’est cette petite voix dans ta tête qui ne s’arrête jamais. Ce bruit de fond qui te rappelle les rendez-vous chez le dentiste, les goûters à préparer, le frigo vide, le linge qui s’entasse, la paperasse administrative oubliée sur un coin de table.
Ce n’est pas seulement faire les choses : c’est anticiper, prévoir, organiser. C’est savoir ce qu’il faudra faire avant même que quiconque y ait pensé.
On nous répète que les tâches domestiques sont mieux partagées qu’avant. Peut-être. Mais la gestion de tout ça ? Elle reste encore souvent sur les épaules des femmes. Tu peux avoir un partenaire impliqué, présent, et pourtant ressentir ce poids invisible du « c’est à moi d’y penser, sinon personne ne le fera ». Et tu finis par jongler, épuisée, entre la réunion pro de 18 heures et la liste des courses à 19 heures.
Cette réalité a été théorisée dès les années 80 par la sociologue Monique Haicault, mais c’est surtout la BD d’Emma, « Fallait demander », qui a mis le doigt sur ce problème que tant d’entre nous vivaient sans pouvoir le nommer clairement. Et quand on peut enfin nommer un problème, c’est là qu’on commence à s’en libérer.
La charge mentale, ce n’est pas juste « avoir beaucoup à faire ». C’est une injustice structurelle qui pèse quotidiennement sur les femmes. Une fatigue mentale invisible, qui limite l’épanouissement personnel, professionnel et affectif. En prendre conscience, ce n’est pas se plaindre : c’est revendiquer le droit à une vie équilibrée.
C’est aussi réaliser que l’égalité commence par là : dans les détails, les petits gestes quotidiens, les prises d’initiative et la responsabilité partagée. Pas juste « aider » ou « donner un coup de main », mais vraiment, profondément, se sentir concerné et impliqué au même niveau. 


D
Comme

Déconstruction
nom féminin

1. Fait de déconstruire quelque chose ; déstructuration.
2. En philosophie, analyse critique d’une structure.
3. Opération critique consistant à montrer que les discours signifient autre chose que ce qu’ils énoncent. (Notion clé de la pensée de J. Derrida.)

(Il y a d’autres définitions, mais je me suis limitée à celles qui nous concernent)

Déconstruire, c’est oser regarder derrière le décor. C’est ne pas se contenter des « c’est comme ça » ou des « ça a toujours été ainsi ». Parce que derrière chaque norme, chaque rôle imposé, chaque discours bien rodé, se cache une histoire de domination, d’exclusion ou d’injustice qu’on n’a pas toujours envie de voir.
Le féminisme ne cherche pas juste à remplacer une norme par une autre. Il creuse plus profondément. Il pose des questions inconfortables : pourquoi valorise-t-on la force plutôt que l’empathie ? Pourquoi apprendre aux petites filles la douceur et aux garçons l’ambition ? Pourquoi certaines tâches, certains métiers, certains comportements sont-ils genrés ?
La déconstruction nous aide à réaliser que ce qu’on croit naturel – comme les rôles masculins et féminins – n’est en fait qu’une construction culturelle. Rien n’est figé par essence : tout peut être repensé, transformé, réinventé.
Oui, c’est exigeant. Ça implique d’être attentif à chaque mot, chaque geste, chaque réflexe acquis. Ça demande de remettre en question des certitudes, de questionner son propre privilège, ses propres biais. Mais c’est précisément là qu’est le changement. Pas seulement dans les grands discours, mais dans la capacité à repérer les petites mécaniques invisibles qui entretiennent les inégalités.
Déconstruire, c’est ouvrir les portes d’un monde où on ne reproduit plus des schémas sans réfléchir. C’est le premier pas pour imaginer quelque chose de radicalement différent. Et surtout, radicalement égalitaire.

E
Comme

Écoféminisme
nom masculin

Courant de pensée qui établit un parallèle entre la domination des hommes sur les femmes et la surexploitation de la nature.

Note : Ce terme n’est pas présent dans le dictionnaire Larousse traditionnel.


L’écoféminisme, c’est la prise de conscience qu’on ne peut plus continuer à séparer les luttes. Que la domination exercée sur les femmes et celle sur la planète ont exactement la même origine : une logique patriarcale et capitaliste qui considère tout – corps, animaux, ressources naturelles – comme disponible à l’exploitation et au profit.
Né dans les années 70, ce mouvement rappelle que ce n’est pas un hasard si les valeurs associées aux femmes, comme le soin, la bienveillance, ou l’empathie, sont souvent dévalorisées au profit de valeurs dites masculines : compétition, force, croissance infinie. Et que ce mépris envers le féminin est le même que celui dirigé vers la nature, vue comme une simple ressource à piller.
L’écoféminisme ne se contente pas de pointer les problèmes. Il propose une alternative : remettre le care – le soin aux autres, à soi, à la Terre – au centre des décisions politiques, économiques et sociales. Il valorise aussi des savoirs traditionnels longtemps portés par les femmes, souvent négligés par les systèmes dominants, alors qu’ils offrent des modèles de relation plus harmonieux et durables avec l’environnement.
Ce n’est pas une simple fusion des luttes : c’est une invitation à repenser totalement notre façon de vivre, de produire, de consommer et de s’organiser. En reconnectant féminisme et écologie, on crée un mouvement plus puissant, plus inclusif et surtout plus apte à changer le monde dans toutes ses dimensions. 


F
Comme

Féminicide
nom masculin

Meurtre d’une femme ou d’une jeune fille, en raison de son appartenance au sexe féminin.

Féminicide. Ce mot est lourd. Il fait mal aux oreilles, mais surtout mal à entendre, à accepter. Pourtant, il est nécessaire. Parce qu’on ne peut pas combattre ce qu’on ne nomme pas.
Chaque année, en France, des dizaines de femmes meurent parce qu’elles sont femmes. Pas par accident, pas par hasard : derrière ce geste de violence extrême, il y a la conviction profonde, souvent inconsciente, qu’elles appartiennent à quelqu’un, qu’elles peuvent être contrôlées, punies, détruites. Qu’elles sont moins humaines, moins libres.
En 2025, au 10 mars seulement, ce sont déjà 21 femmes qui ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon en France. Parmi elles, 17 ont été assassinées chez elles. La majorité (11) était en contexte de séparation ou avait déjà signalé des violences auparavant. Au total, 28 enfants sont devenus orphelins, certains ayant même été témoins directs de ces violences. Deux tiers innocents, dont deux enfants, ont aussi perdu la vie dans ces drames conjugaux. Ces chiffres ne sont pas que des statistiques froides, ce sont des vies brisées, des familles détruites, et surtout le résultat d’un échec collectif.
Ces féminicides ne tombent pas du ciel. Ils prennent racine dans une société où les violences conjugales sont banalisées, où les victimes sont encore trop souvent considérées comme responsables des violences qu’elles subissent. C’est le sommet tragique d’un iceberg fait de violences quotidiennes, d’insultes, de coups, d’emprise psychologique.
Utiliser le terme féminicide, c’est dire clairement : ce n’est pas un fait divers. Ce n’est pas une crise passionnelle. C’est un meurtre systémique, une violence profondément enracinée dans nos sociétés patriarcales.
Nommer les féminicides, c’est aussi refuser que ces femmes soient oubliées, réduites à des statistiques anonymes. Des initiatives comme celle du compte Instagram @noustoutes.org sont vraiment importantes, parce qu’elles redonnent un visage, un nom, une histoire à chacune de ces femmes, pour qu’on ne les oublie pas. Pour rappeler qu’elles auraient dû vivre, aimer, rire, exister encore aujourd’hui.
Chaque féminicide devrait être un scandale, parce que chaque vie perdue était précieuse. Et ces chiffres de 2025 montrent qu’il reste encore beaucoup de combats à mener. 


G
Comme

Gynécocratie
nom féminin

Forme de gouvernement où le pouvoir est exercé par les femmes.

La gynécocratie, c’est un mot étrange, un poil provocateur. Il évoque une société où ce seraient les femmes qui domineraient, dirigeraient, décideraient. Un miroir inversé de notre monde patriarcal actuel. Mais soyons honnêtes : rares sont les exemples historiques réels. On cite parfois les sociétés matriarcales ou matrilinéaires, comme les Mosuo en Chine ou les Minangkabau en Indonésie, mais elles restent des exceptions. En général, quand on parle de gynécocratie, c’est surtout pour interroger, imaginer, provoquer la réflexion.
C’est exactement ce qu’a fait Nelly Sanoussi dans son roman Demain la lune sera rouge, publié dans la collection « À Sexe Égal » aux éditions Beta Publisher. Elle y pousse cette inversion à son extrême pour nous faire réfléchir : à quoi ressemblerait une société où les rôles seraient complètement inversés ? Et surtout : voudrions-nous vraiment d’un tel monde ?
Car le but n’est pas de remplacer une domination par une autre, mais de questionner profondément nos modèles actuels. Imaginer une gynécocratie, c’est déconstruire l’idée que le pouvoir masculin serait naturel ou évident. C’est aussi admettre que si l’idée d’une société dirigée par des femmes nous dérange ou nous amuse autant, c’est peut-être parce qu’on accepte sans broncher une société dominée par des hommes depuis des millénaires.
La gynécocratie c’est en fait un très bon outil de réflexion. Pas pour rêver de vengeance, mais pour rêver d’équilibre. Et surtout, pour nous forcer à imaginer à quoi pourrait ressembler une société vraiment égalitaire, libérée des hiérarchies de genre. 


H
Comme

Harceler
nom masculin

1. Fait de soumettre quelqu’un, un groupe à d’incessantes petites attaques : Harceler l’ennemi.
2. Fait de soumettre quelqu’un à des demandes, des critiques, des réclamations continuelles
3. Fait de soumettre quelqu’un à de continuelles pressions, sollicitations Le harcèlement, on en parle beaucoup depuis quelques années. Pourtant, ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que les femmes osent enfin en parler fort. Le harcèlement, qu’il soit dans la rue, au travail ou derrière un écran, ce n’est jamais anodin. Derrière ces gestes ou ces mots qui semblent parfois « pas si graves » à ceux qui les prononcent, il y a toujours un message implicite : ta place n’est pas ici, ton corps ne t’appartient pas totalement, ta liberté est limitée.
Dans l’espace public, ce sont des regards insistants, des sifflements, des insultes ou des attouchements. Au travail, c’est une main déplacée, une proposition insistante, un chantage subtil (« si tu veux avancer, il faudra être plus sympa… »). Sur Internet, ce sont des commentaires obscènes, des menaces, parfois des photos diffusées sans consentement. Et à chaque fois, le résultat est le même : une perte de liberté, une peur diffuse, une vie qu’on adapte pour éviter les problèmes. Ce n’est pas juste un inconfort passager. Le harcèlement crée de vraies blessures. Il épuise, fragilise, et pousse parfois à l’isolement. On change ses trajets, ses horaires, on se fait discrète, ou pire, on culpabilise. On s’interroge sur ce qu’on aurait pu faire ou ne pas faire, porter ou ne pas porter. Mais ce n’est jamais la faute de la victime. La vague #MeToo a montré que lorsqu’on brise le silence ensemble, ça devient politique. Grâce au courage de celles qui parlent, des lois évoluent, des comportements changent, lentement mais sûrement. Parce que lutter contre le harcèlement, ce n’est pas juste protéger les femmes : c’est revendiquer leur droit fondamental à vivre libres, partout, sans crainte ni oppression.

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